lundi 26 janvier 2009

3. Ecaille de cristal

Uracile contempla le boyau où ils étaient enfermés : des champignons fluorescents émanait une étrange lumière bleutée, comme enchanteresse. La grotte était humide, glacée. De nombreux filons de cristal de roche éventraient la paroi, d'où suintaient de nombreuses gouttelettes d'eau. Un ruisseau gelé ondulait tout au long du chemin. Zlept se rapprocha du rocher qui bloquait l'entrée.
_"Penses-tu que l'on arrivera à dégager cette pierre?,lui demanda-t-elle.
_Je ne penses pas... Les zéas ont du s'y mettre à plusieurs pour le déplacer, alors ce n'est pas deux malheureux humains qui vont y arriver... À moins que tu ne connaisses un sortilège pour déplacer des objets, mais j'en doute.
_En effet, ce n'est pas vraiment ma spécialité... Que faisons-nous alors?
_Et bien... je ne vois pas d'autre solution que d'essayer de trouver une autre sortie, un peu plus loin. Donne moi tes mains."
Zlept s'était libéré les mains en les frottant sur une gemme aiguisée. Il fit de même pour rompre les liens qui arrachaient les poignets d'Uracile. Ils commencèrent alors leur descente dans les entrailles de la grotte.Ils marchèrent quelques heures, alors que les veines de cristal devenaient de plus en plus grandes, que le ruisseau glacé s'élargissait, et que la fraîcheur ne cessait d'augmenter.
_"Et bien... je ne pensais pas que cette grotte serait aussi grande! Je ne sais pas où nous sommes, mais...
_Pourquoi les zéas nous ont-ils enfermés dans cet endroit?
_Et bien... je n'en ai aucune idée. Mais je pense que nous le saurons avant de sortir de ce lieu... si nous en sortons un jour!"
Estimant que l'heure du dîner approchait, ils s'arrêtèrent dans une anfractuosité assez large pour les accueillir.
Après avoir mangé un peu du jambon qui leur restait et bu de l’eau glacée, ils se remirent en marche. Une demi-heure plus tard, vers ce qu'ils estimèrent être huit heures du soir, le boyau déboucha enfin sur une immense plaine.
Ils furent surpris de trouver une si grande étendue enfouie sous la roche. La lande, d'une taille d'environ dix hectares, était surmontée d'une haute voûte, sans doute les cimes des montagnes de Hhenn, éclarant la zone grâce aux milliers de champignons phosphorescents la tapissant . Le ruisseau gelé était devenu un fleuve, et serpentait vers l'inconnu.
Et sur les pentes de la caverne, à mi-hauteur, une demi-douzaine de nids de dragons était visible. "_Uracile... regarde!, dit Zlept en lui montrant les nids. Ce sont des dragons de cristal... Des animaux extrêmement rares, relativement innofensifs, chassés pour leurs écailles. Nous n'avons rien à craindre, ajouta-t-il en voyant le regard pétrifié de la jeune fille. Ils ne devraient pas nous attaquer."Les créatures, petits pour des dragons, possédaient des écailles irisées d'un bleu d'azur tirant sur le blanc. Leurs ailes leur conféraient un vol gracieux, et leur immense queue leur servait à la fois de balancier, superbe atout pour le vol, et d'arme redoutable. Leurs gueules étaient hérissées de minces crocs, quoique pointus et tranchants.
Tout à coup, un cri retentit au dessus d'Uracile : deux mâles – apparemment – se battaient pour une femelle dont le nid à flanc de montagne se trouvait juste au dessus d'eux. Le plus petit des dragons porta un coup au plus gros, qui riposta violemment à l'aide de ses crocs. Le jeune, blessé et sentant la défaite, poussa un cri et vola à tire-d'aile vers une autre femelle, libre, un peu plus à gauche.
Un éclat argenté, à quelques mètres d'elle au sol, attira l'attention d'Uracile. Elle s'approcha, et elle devina de quoi il s'agissait : une écaille de dragon. Avec précaution, elle la prit dans ses mains : c'était bien une écaille de dragon de cristal, glacée, qui brillait faiblement sous la lumière blafarde. Zlept remarqua ce qu'elle venait de ramasser, l'air étonné."_ Oh, tu as trouvé une écaille? Elle hocha la tête. Tu es très chanceuse, dis-moi... Fais-y très attention, 'Cile, lui dit-il. Cette écaille est assez rare, et ces dragons ont longtemps été chassés pour elle. Vois-tu... elle possède une incroyable propriété magique : elle peut, au contact de l'eau, geler tout liquide quelques mètres aux alentour. Lorsque les dragons de cette espèce étaient plus répandus, lorsque l'on en voyait encore souvent, des chasseurs les tuaient pour récupérer, notamment, cet objet. Nous devrions la conserver précieusement, nous en tirerons un bon prix à Central."
Zlept regarda tout autour de lui, au sol, essayant de trouver une seconde écaille, mais sans succès. En revanche, il crut apercevoir, au loin, un tunnel qui semblait sortir de la grotte. Il fit signe à Uracile, et ils marchèrent dans cette direction. En effet, au bout de quelsues minutes, ils voyèreent un second tunnel à l'opposé de celui par lequel ils étaient entrés, d'où émanait une mince lumière blanche et chaleureuse.
Les deux compagnons traversèrent la lande en une heure, car le terrain était quelque peu accidenté, et car Zlept ne cessait de regarder le sol pour trouver des choses intéressantes, comme d'autres écailles, voire un croc, de dragon. Durant ce temps là, d'ailleurs, aucun d'entre eux ne leur porta une quelconque marque d'attention.
Ils débouchèrent enfin sur le boyau observé auparavant, baigné dans une pâle lumière. Une lumière lunaire. Et, au bout de quelques minutes, ils aboutirent à l’air libre."_Pourquoi personne ne semble jamais avoir été venu dans cette grotte?, demanda la jeune magicienne, en aspirant une bouffée d'air pur, et en regardant autour d'elle. La sortie de la grotte était située sur un petit promontoire qui descendait en pente douce. Les dragons y vivent en paix, pourtant nous ne sommes pas si loin de Hhenn et l'endroit est accessible...-Pas tant que ca, lui répondit Zlept. "Uracile suivit son doigt : devant eux, au loin, se situait en effet la bourgade de Hhenn. Le seul problème, et Uracile le constata en se rapprochant un peu plus de la pente, c'était que celle-ci formait un angle de telle sorte qu'il était à peu près facile de descendre, mais impossible de tenter une ascension vers ce boyau. De plus, d'en bas, la grotte devait à peine être visible.
Ils commencèrent à descendre l'amas rocheux, et en quelques minutes débouchèrent sur un long éboulis glissant. Une route praticable était discernable au delà. Ne sachant pas comment franchir cet obstacle sans se blesser, ils décidèrent de s'asseoir un peu pour y faire une pause et y réfléchir. Zlept eût alors une idée : il fit demi tour, demandant à Uracile de rester sur place et lui conseillant de se reposer, et en moins de vingt minutes fut de retour avec une grande plaque de glace sous les bras, qu'il avait du extraire de la grotte. Uracile comprit l'initiative de son tuteur : elle s'assit sur le bloc de givre, à l'arrière, et ils dévalèrent sur cet engin insolite le grand éboulis. Uracile se sentait grisée par la vitesse, le vent qui lui cinglait le visage. Rapidement, ils arrivèrent en aval de la montagne, tout près du village. Le vent et le froid leur avaient lacéré les mains. Tous deux, épuisés, firent quelques pas vers un bosquet, y aménagèrent un abri de fortune, et s'y endormirent profondément.Après quelques heures de sommeil inconfortable, les compagnons se réveillèrent à la lueur du point du jour. Zlept fila jusqu'à la rivière, y chercher un peu d'eau fraîche, avec laquelle ils burent à satiété et se débarbouillèrent. Ils prirent juste le temps de manger encore un peu de jambon, dont ils commençaient à se lasser, à force d'en manger à chaque repas. Uracile fut donc chargée de s'occuper des provisions, pendant que Zlept se chargeait de racommoder ses chaussures, qui avaient souffert de la descente sur l'éboulis. Elle revendit le jambon à un petit marchand ambulant, croisée par hasard sur le chemin, et acheta du pain brioché, de la viande de cerf et des fruits secs aux abords de Hhenn. Parés pour le chemin, elle revint chercher Zlept et ils longèrent alors Hhenn, préférant se rendre sur la côte sans traverser la ville. "_Nous sommes chanceux!, dit-il. Ce raccourci par les montagnes, bien qu'un peu... forcé, nous a permis de traverser les montagnes de part en part, en nous a fait gagner deux jours de marche. Nous pourrons prendre la liaison vers Central à partir de Hhenn même. "
Sur le chemin, Zlept et Uracile n'eurent cesse de se demander pourquoi les zéas avaient voulu les enfermer dans cet endroit, et pourquoi ils ne les avaient pas simplement volés et tués. Mais ils ne réussirent pas à trouver une seule réponse logique, et ils finirent par admettre que cela devait faire partie d'un quelconque rite.Arrivés près du port, ils se renseignèrent immédiatement sur les bateaux au départ. Par chance, un bateau partait dans quelques heures vers Central. Ils y louèrent une cabine, et le temps de s'installer, de se reposer, et de discuter avec l'équipage, le bateau partait déjà.
L'Aigle des mers, petit bateau de transport de marchandises, voguait sur une mer d'huile durant toute la journée. Les marins étaient fort sympathiques, et Zlept discuta avec eux tout l'après-midi. Quant à Uracile, elle fut vite lassée de leurs conversations et, ayant le mal de mer, partit se coucher en fin d'après midi. Elle trouva difficilement le sommeil et ne s'endormit qu'en début de soirée. Un peu plus tard, Zlept rentra, après avoir beaucoup discuté avec le capitaine, autour de quelques chopes de bière. Il s'assoupit profondément alors que la lune était haute dans le ciel.Uracile se réveilla un peu plus tard, à cause d'un bruit mat qu'elle avait entendu. Elle tendit l'oreille. Le grincement des planches, le roulis de la mer. Seulement cela. Elle se rendormit.BOUM! Cette fois ci, les deux compagnons se réveillèrent en sursaut. Ce bruit-ci était assourdissant. Ils dévalèrent l'escalier menant au pont, et y arrivèrent en quelques secondes.Un énorme bateau se tenait juste devant eux, à quelques mètres du leur. Une planche mal assurée faisait la jonction entre les deux ponts. Au dessus, des pirates commençaient à envahir le bateau, en poussant d'énormes cris de guerre."_Nous n'arriveront pas à les contenir!, hurla un marin, en évitant un coup de sabre._Uracile! Tu penses pouvoir les repousser?
_Je ne sais pas, ils sont vraiment trop nombreux! Mais… attends! J'ai un plan! Contente toi de les repousser sur leur bateau, tu vas voir!"
A l'aide de ses sortilèges de bataille, elle repoussa la plupart des barbares vers leur bateau, et lorsqu'un des immondes flibustiers s'approchait de trop près, Zlept, resté près d'elle, l'embrochait. Il en tua un d’un revers d’épée, et fendit deux autres à l’aide d’une feinte astucieuse.Au bout de cinq minutes, la plupart des pirates étaient retournés sur leur bateau, en situation de repli. Uracile examina à distance le bateau ennemi, à la recherche de quelque chose. Elle sembla l'avoir trouvé puisque Zlept la vit se relever brusquement et lançer une petite boule de feu en direction du bateau, qui vint s'écraser contre un tonneau, dont l'eau qu'il contenait se déversa au sol. Elle chercha quelque chose dans les plis de sa robe, puis Zlept remarqua qu'elle jeta un minuscule objet sur le bateau, qui atterrit au milieu des pirates, tout près du tonneau percé. Aussitôt, une grande vague d'énergie se déploya, et Zlept, par réflexe, se coucha à terre. Et ce fut le silence. Zlept et Uracile se relevèrent et traversèrent le pont de fortune, et contemplèrent l'horrible spectacle. Autour du bateau ennemi, l'eau avait gelé, l'emprisonnant au milieu de la mer. Maisce n'était pas tout. Zlept avait dit " l'écaille du dragon peut, au contact de l'eau, glacer tout liquide dans un rayon important". Et Uracile avait tout misé sur le fait que les corps humains contenaient beaucoup d'eau, et elle avait eu raison. Leur sang, ainsi que l'eau qu'ils contenaient, avait gelé. Certains avaient même les veines explosées par la pression de glace, d'autres le visage tordu et complètement méconnaissable."_Mais c'est horrible!, gémit Uracile. Je ne pensais pas que la mort allait être aussi douloureuse pour eux! Horrifiée par ces corps, Uracile rentra dans la cabine de leur bateau. Elle s'allongea, tétanisée. Elle n'avait que rarement était amenée à tuer des brigans, et elle n'avait jamais imaginé qu'elle serait un jour responsable d'un tel massacre. Ils avaient du tellement souffrir, "aucun être humain ne mérite de mourir de cette facon", se dit-elle. Zlept rentra peu après, en lui disant, tout en manipulant l’écaille qu’il avait récupéré :"_ J'ai discuté avec le capitaine. Les dégâts sont mineurs, nous allons repartir. Nous n'avons pas perdu d'homme. Il te remercie grandement. Nous arriverons à Central demain; ne pense plus à tout cela. Tu as bien fait, tu nous a sauvé. Même si ils s'étaient repliés pour raison stratégique, ils étaient probablement en position de gagner. Tu as bien agi... qui sait combien de marins ces pirates ont tués dans leur vie. Tout ces gens méritaient d'être vengés. Ne te culpabilise pas, 'Cile. Fait le vide. Dort."

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lundi 19 janvier 2009

2. Un long voyage

Les deux compagnons marchaient depuis quelques heures, seul le souffle du vent et le bruit de leurs pas troublaient le silence environnant. Ils étaient sortis de la forêt de Set Ihsin depuis près de deux heures et évoluaient maintenant sur un chemin de pierre escarpé. Zlept se tourna vers Uracile, esquissa un sourire et déclara:
_"Nous arrivons aux monts Tihsin. Il nous faudra y passer une nuit. Evidemment, ce n'est pas le meilleur endroit pour dormir mais ces monts sont déserts et personne ne nous posera de problème...la région regorge de coupe-jarrets et de voleurs qui n'hésitent pas à tuer pour subtiliser quelques piécettes ou objets sans valeur. Sans parler des nombreuses créatures qui peuplent ces plaines...avides de chair fraîche..." La sueur lui coulait à grosses gouttes le long du visage, marquant par des reflets brillants les nombreuses cicatrices qui lui parsemaient la face. Comme des runes anciennes...
Le chemin de pierre s'arrêtait devant une maison de grès. Sa toiture s'était sans doute envolée, à en juger par le trou béant qui ouvrait ce pavillon aux rayons du soleil et la présence de quelques poutres brisées, écroulées sur l'ancien carrelage de terre cuite. Ils passèrent devant cette habitation sans y accorder plus d'importance et s'engagèrent sur un chemin de terre qui se faufilait entre les monts. Ils marchèrent longtemps le long d'un ruisseau au fond duquel on voyait briller divers poissons. L'alliance de reflets argentés, verts et bleus sur le visage d'Uracile avait une consonance mystique. Ils s'arrêtèrent quelques instants pour profiter de l'air frais de ces lieux, et, pendant qu'elle se lavait le visage et les mains dans l'eau pure du ru, Zlept entreprit de pêcher à l'aide d'une dague courte. Quelques instants plus tard, il déclara qu'ils auraient de quoi manger pour le soir. Par dessus son épaule, il avait jeté une corde à laquelle étaient ficelés, à distance égale, six poissons de bonne taille. Après avoir rit de l'abondance étonnante de ce cours d'eau et de la facilité avec laquelle Zlept avait réussi à embrocher une demi-douzaine de poissons, ils reprirent leur route en direction d’Ihsin, avec les poissons ficelés au fond de leurs bagages.
La nuit tombait et ils n'avaient toujours pas trouvé d'abri pour dormir. Les deux amis commençaient à fatiguer, mais ils ne tardèrent pas par trouver une grotte en amont d'une montagne, une cavité de trois mètres de profondeur sur deux de hauteur creusée dans la roche. Zlept déclara qu'il s'agissait sans doute d'un ancien ermitage, examina les lieux et s'adonna rapidement à la construction d'un foyer pour le feu. Un cercle formé de grosses pierres fut construit au centre de la grotte peu de temps après. Puis, Uracile, qui était jusqu'à maintenant occupée à se réchauffer les mains et les bras en les frottant énergiquement, remarqua dans quelle entreprise Zlept s'était lancé. Elle se leva pour lui venir en aide dans sa quête de bois mort, posa le sac marron qu'elle portait en bandoulière et s'éloigna de la grotte, décidée à en rapporter le plus possible. Quelques instants plus tard, ils revinrent chacun les bras chargés de bois et jetèrent le tout dans le foyer. Uracile utilisa un sortilège pour allumer le feu, et se blottit dans sa cape de voyage en tendant les mains vers la source de chaleur. Zlept tailla une broche dans du bois, y accrocha les poissons, et, quelques instants plus tard, ils mangèrent à leur faim en se régalant de la chair du produit de leur pêche. Zlept s'assit ensuite sur un rocher et contempla le spectacle qui s'offrait à eux. Les ombres qui dansaient sur le sol, le doux crépitement du feu et les chants éloignés des grenouilles les aidèrent à s'endormir, le cœur tranquille.

Uracile émit un bruit de contestation, frotta ses yeux d'un geste maladroit et déclara d'un ton plaintif:
_"J'ai mal dormi et...le sol était dur..." Elle se frotta l'omoplate en grimaçant et adressa un sourire à Zlept qui la regardait. Ils se réveillèrent au petit matin, après une nuit calme, quoique peu reposante et relativement fraîche. Zlept se leva le premier, s'étira de tous ses membres et s'avança vers Uracile, d'un pas chancelant. Sa longue tunique noire, encore froissée de la position de couchage inconfortable qu'il venait de quitter, décrivait des vagues au rythme de ses pas. Il se pencha vers elle et lui glissa à l'oreille:
_"Allez, lève-toi...la journée risque d'être longue, il vaut mieux ne pas tarder"; dit-il d'un air amusé.
Ils se remirent en route après avoir ramassé leurs affaires, abandonnant le foyer de pierre dont le cœur recouvert d'une épaisse couche de cendres rougissait encore.
Il était midi passé lorsqu'ils sortirent des monts Tihsin. Le chemin se séparait du ruisseau à ce niveau pour descendre vers une petite vallée. Uracile fut bien heureuse de retrouver un sentier existant, mais déçue de devoir quitter ce ru qui l'avait accompagné jusque là. Elle y but une dernière fois et courut pour rejoindre Zlept qui était déjà loin devant. Il était rayonnant et parlait de son futur commerce avec un enthousiasme étonnant. Il passait en revue et à voix haute tout les trésors qu'il allait pouvoir vendre, calés au fond de son sac à dos gigantesque, mais surtout ceux qu'il pourrait acheter :
_"Des dagues sans doute...oui je pense. Des épées longues même. Sans oublier les soins...des onguents ou des potions. Et puis on trouve toujours des choses intéressantes parmi les babioles exposées. Comme la fois où... " Et il continua jusqu'à ce que Ihsin se profile à l'horizon.
_Nous y arrivons, déclara-t-il. C'est une des plus honnêtes cités de ce monde...les gens y sont accueillants et chaleureux, nous n'aurons aucun mal pour nous loger...enfin, je l'espère."
Ils traversaient à peine les campagnes de Ihsin que les paysans occupés à rentrer les bêtes les saluaient déjà :
_"Comment ça va par chez vous?", demanda un vieil homme édenté.
_Aussi bien que possible, répondit Zlept. Nous sommes un peu fatigués, le voyage a été long, ajouta-t-il en montrant du doigt les monts Tihsin qui formaient une masse noire à l'horizon.
_Présentez-vous à Marielle, dans ce cas, elle se fera un plaisir de vous loger, déclara-t-il.
_Je vous remercie, l'Ancien, bonne soirée!" Il adressa un sourire vainqueur à Uracile qui ne put s'empêcher de rire de l'air hautain qu'il prenait.
Ils arrivèrent quelques instants plus tard au village d'Ihsin et rentrèrent dans la seule taverne de la grand-rue, Aux bons amis. Ils demandèrent au tavernier où ils pourraient rencontrer Marielle et ce dernier leur montra une petite porte de bois au fond du bar en leur adressant un sourire démesuré mais d'une franchise renversante. Ils s'empressèrent d'y entrer car ils avaient sommeil et y trouvèrent, assise dans une chaise à bascule, une petite vieille qui tricotait des gants à trois doigts. Zlept se présenta:
_"Bonsoir madame. Mon nom est Zlept, ma fille que voici s'appelle Uracile. Nous venons de Set Ihsin et avons passé une nuit dans les monts Tihsin. Nous marchons depuis l'aurore car nous nous rendons à Central pour la foire annuelle, et sommes exténués, . Un aimable paysan nous a conseillé de vous demander l'hospitalité pour la nuit. Auriez-vous une chambre libre? Il regarda l'ancienne posément et elle répondit d'une voix chevrotante:
_Mais bien entendu, les habitants d'Ihsin ont-ils une seule fois refusé l'hospitalité? Je ne crois pas...allez voir O'Gholan, l'aubergiste d'en face, il se fera un plaisir de vous prêter une chambre.
_C'est que...nous pouvons payer, commença Uracile.
_Baliverne, l'interrompit la vieille, nous rendons service, un point c'est tout...allez, que faites-vous encore ici?" Elle les regarda sortir d'un air rieur et reprit ses activités.
Ils traversèrent la taverne et la quittèrent en même temps que résonnait le "au revoir" poli du tavernier. Ils entrèrent dans l'auberge et n'eurent pas à expliquer leur situation car l'homme avait déjà remarqué les bagages et l'air fatigué des deux amis. Il leur tendit une clef et leur souhaita une bonne nuit. Uracile le remercia d'un signe de tête accompagné d'un sourire puis monta l'escalier sur les pas de Zlept. Une fois entrés dans la chambre, chacun s'étala sur un lit de tout son long et Uracile sombra quelques instants plus tard dans un sommeil profond. Zlept, d'un regard bienveillant, surveillait Uracile du coin de l'œil, la joue gauche contre l'oreiller de plumes. Ses yeux se fermèrent petit à petit, puis il sombra dans un lourd sommeil.

Quand Uracile se réveilla, Zlept n'était plus sur le lit d'à-côté. Elle s'assit sur le sien, enfila ses chaussures qu'elle se souvenait à peine avoir retirées la veille et se leva sur l'ancien parquet grinçant. Elle se déplaça jusqu'au miroir accroché à un mur pour se coiffer. Elle brossa ses cheveux sans détacher son regard du miroir: il brillait étrangement. Plus elle se regardait à l'intérieur, plus elle se trouvait belle. Elle resta devant à se contempler pendant une durée indéfinissable, le temps lui semblait s'être arrêté. Tout son être était occupé à observer la perfection de ses traits et ses magnifiques yeux verts dont la pupille brillait; elle était comme amoureuse d'elle-même. Elle se sentait agréablement attirée vers ce reflet, partir de son corps, se libérer de cette contrainte matérielle, heureuse, libre et infinie. Elle avançait en survolant le sol, ectoplasme éphémère. Elle entendit à peine résonner au loin des bruits de pas accélérés, puis elle se sentit revenir à elle, brusquement, comme happée par une puissante force. Zlept la tenait par l'épaule et la fit reculer en la tirant vers l'arrière, pour quelle reprenne ses esprits. Il leva la main et décrivit un cercle barré verticalement devant le miroir. Ce dernier fondit en une flaque argentée de laquelle et révéla une grande créature, fine et chauve, aux yeux révulsés dont on voyait les os et à qui la nature avait offert une affreuse peau granuleuse d'un violet translucide. Zlept réagit immédiatement et frappa la créature avec le poing au niveau du front. Cette dernière resta quelques instants sans bouger, la tête en arrière. Sa peau se craquela et devint grise, puis le monstre s'écroula sur le sol en un tas de cendres. Zlept regarda alors Uracile, qui paraissait encore choquée et lui parla calmement:
_"Ca va aller... Ce n'était su'un Zighert, une créature qui se nourrit d'âmes. Elles s'arrangent pour être achetées par d'honnêtes personnes en se glissant sous formes d'objets quelconques parmi les marchandises. On a eu de la chance, j'aurais pu discuter plus longuement avec l'aubergiste, en bas, et te retrouver inerte..." Il se remit de cette émotion, ayant eu peur de perdre Uracile; et elle s'en rendait compte.
_En tout cas, j'ai bien essayé à plusieurs reprises mais n'ai toujours pas réussi à payer l'aubergiste pour cette nuit...il ne veut rien entendre. Ce sera sûrement différent à Central. " Zlept paraissait interloqué.
Uracile et lui prirent leurs affaires, descendirent remercier le patron et l'informèrent de l'ex-présence d'un Zighert dans leur chambre. L'aubergiste s'excusa platement et leur proposa même de passer une autre nuit dans son auberge. Ils refusèrent poliment et entreprirent de sortir du village sous les bénédictions incessantes des habitants. Ils quittèrent cette bourgade quelques instants après. Les villageois leur avaient fait cadeau d'un énorme talon de jambon et étaient restés à la sortie du village pour leur faire de grands signes de main et leur crier des encouragements. Zlept et Uracile étaient tout deux très heureux de cette pause et continuèrent leur chemin avec le sourire et des victuailles de choix.

_"Nous devons continuer vers le sud pour rejoindre Plaisir, Hhenn est sur notre route et nous y passeront une nuit."
Zlept ne cessait de répéter cette phrase, comme si la marteler les faisait avancer plus vite. Ils avaient cependant déjà parcouru une bonne partie de la distance qui les séparait de Hhenn et venaient de reprendre leur chemin après une pause déjeuner. Ils s'étaient régalés du jambon, présent des villageois d'Ihsin, et en avaient laissé un énorme morceau pour les jours à venir. Ils étaient alors repartis, et ils évoluaient dorénavant dans une grande plaine bordée de hêtres et leur marche formait des sillons dans l'herbe grasse qu'ils écrasaient au passage. Ils avançaient assez simplement sur ce terrain et admiraient le paysage qui s'offrait à eux. Les oiseaux avaient entamé un chant qui sonnait comme une ode à la nature. Tout autour d'eux était en parfaite harmonie.
Le crépuscule se présentait à l'horizon, et, comme Zlept trouvait dangereux de marcher de nuit, ils décidèrent, à l'orée d'un bois, de s'arrêter pour dormir. Ils mangèrent encore un peu de jambon mais n'avaient pas tellement faim, seul le sommeil leur faisait envie. Après voir bu une grande gorgée d'eau, Uracile se coucha à même le sol, souhaita une bonne nuit à son tuteur et s'endormit rapidement. Il l'imita mais ne réussi pas à trouver le sommeil aussi rapidement, quelque chose l'empêchait de dormir. Il s'allongea sur le dos et décida d'observer les étoiles en attendant que le sommeil l'emporte. Il repensa à la présence d'un Zighert sur l'Ile du Levant, qui plus est sur la branche ouest de l'île. C'était réellement bizarre. Qu'est-ce qui aurait pu pousser cette créature à s'aventurer aussi loin de son île? Il ne parvenait pas à résoudre ce mystère. Il chassa cette énigme insoluble de son esprit, et il s'endormit un peu plus tard en rêvant de son arrivée à Central.

Tous deux se réveillèrent le lendemain matin, lorsque la rosée venait à peine de s'éclipser sous l'effet du soleil levant. Zlept consulta sa carte : ils étaient à présent à mi-chemin, et il leur restait à parvenir à Plaisir, en passant sûrement la nuit prochaine à Hhenn, puis la suivante à Plaisir même, pour pouvoir prendre enfin le bateau vers Central. Tous deux, après avoir cueilli quelques baies et les avoir avalées, poursuivirent leur quête vers le grand marché de Central. Le sentier de terre était maintenant bien net, et serpentait dans une immense vallée. Le soleil cognait dur, et en l'absence d'arbres ou d'un quelconque relief montagneux, la chaleur accablante rendit la matinée fort pénible Ils pénétrèrent enfin vers midi dans une clairière dégagée, bercée par le doux chant des oiseaux-adjurateurs. La beauté de la litanie semblait ralentir leur marche et les plonger dans un état éthéré. C'était souvent ce qui arrivait quand des aventuriers pénétraient dans une forêt où se trouvaient des oiseaux de cette espèce : sans même s'en rendre compte, ils se laissaient happer par ce chant magique, censé apaiser et calmer les personnes qui traversaient le bois. Mais souvent, cela ne faisait que les plonger dans un état second, et leur conférer des réflexes semblables à ceux des morts-vivants.
C'était certainement pour profiter de cela qu'Ils étaient là. Sans avoir pu balbutier un quelconque sortilège ou dégainer une arme, tels deux villageois sans défense, Zlept et Uracile furent surpris par six zéas à la peau luisante, grisâtre, et les brigands les capturèrent dans des filets à mailles serrées et solides. Les deux compagnons, qui revenaient peu à peu à eux sous l'effet de la peur et de l'adrénaline, échangèrent un regard plaintif; mais sous la menace d'un zéa, ne dirent mot. Leurs ravisseurs les hissèrent sur leur dos, et ils se retrouvèrent dans des positions forts inconfortables. Les zéas continuèrent de traverser la petite forêt, mais en sortirent peu de temps après. A l'ouest, les montagnes les séparant de Hhenn étaient extrêmement proches, mais le sentier continuait vers le Nord afin de contourner les monts. A la grande surprise des compagnons, les zéas bifurquèrent vers la chaîne de montagne. Le chemin de terre battue cessa, et le groupe se dirigea vers les montagnes. Uracile se demandait pourquoi ils allaient dans cette direction, car même si le chemin était à découvert, il était très peu emprunté, et les zéas ne risquaient donc pas d'être surpris par une quelconque personne susceptible de libérer les... prisonniers. Ils arrivèrent bientôt sur le flanc de la montagne. Une route semblait avoir été vaguement aménagée, d'énormes blocs de granit étant poussés sur le côté d'un éboulis. Les monstres l'empruntèrent. Uracile et Zlept commençaient à être endoloris, et ce chemin caillouteux les faisait souvent se heurter contre le dos poisseux des créatures, ce qui n'arrangeait pas les choses. Le groupe arriva au sommet de l’amas rocheux lorsque le soleil commençait à décliner. Tout à coup, ils s'arrêtèrent. Le plus grand des zéas s'avança vers un énorme rocher, et, avec l'aide de quelques autres, le déplaça vers la droite, débouchant ainsi l'entrée d'un énorme tunnel. Les zéas jetèrent violemment les deux humains sur le sol. L'un deux, à l'aide d'un poignard tranchant et aiguisé, découpa une ouverture dans les mailles retenant prisonniers les deux compagnons. L'énorme zéa les aida à se relever, en accrochant ses griffes saumâtres à leurs vêtements. Il les poussa dans le boyau, et les six monstres ricanèrent violemment. Un zéa tout frêle, apparemment le souffre douleur du groupe, leur attacha fébrilement les poignets. Voyant que Zlept mettait même de la bonne volonté à se faire ligoter, Uracile se retint de leur lancer un maléfice, tout en se demandant quel était le plan de son mentor. Le petit zéa sortit de la caverne, et les autres remirent le roc en place.
Ils étaient prisonniers de la grotte.

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jeudi 15 janvier 2009

1. Sur le parvis de l'église

Le soleil brûlant du début d'après-midi léchait le visage de la petite Uracile. Du haut de ses six ans, avec le visage tourné en direction de la forêt de Set Ihsin et le reflet des arbres intensifiant le vert émeraude de ses yeux, elle paraissait droite, fière, innocente et déjà une femme. Ses longs cheveux bruns tressés en natte qui lui tombait sur le côté lui frôlaient la joue avec grâce en accentuant la jolie forme ovale de son visage. Sur le parvis de l'église de Set Ihsin, elle attendait ses parents restés à l'intérieur, dans la fraîcheur de la basilique.
Elle se risqua à jeter un œil dans la cathédrale: ils étaient en vive discussion avec le prêtre et Ramus, le responsable ecclésiastique. Près des bancs, seul un homme d'une quarantaine d'années faisait sa prière. Elle alla s'installer sur les marches, voyant qu'elle devrait patienter une bonne dizaine de minutes encore. Après quelques instants, elle se leva, puis marcha le long de la route de terre battue reliant l'église à Set Ihsin. Quelques mètres plus loin, elle fit demi-tour et répéta ce parcours plusieurs fois.
Puis, les yeux grands ouverts et le corps figé, elle s'arrêta net: dans le bois d'ifs cernant le chemin, elle venait d'entendre un craquement de branche, ainsi qu'un juron étouffé. Elle tendit l'oreille, à l'affût du moindre bruit: rien, seul le léger souffle du zéphyr. Elle sentait les battements de son cœur s'intensifier et recula à petits pas vers l'église qui lui semblait étrangement lointaine, presque inaccessible. Puis elle se retourna et sa marche se fit course, elle se rua vers l'église lorsqu'elle entendit un deuxième juron, qui n'était plus du tout discret.
Une dizaine de zéas, assoiffés de sang, sortirent du bois et se précipitèrent sur la jeune enfant. La peau noire, visqueuse de ces créatures luisait étrangement au soleil, et les épées qu'ils tenaient dans leurs mains ne laissaient aucun doute sur leur intention. Malgré l'avance qu'elle avait, ils ne tardèrent pas à la rattraper, et elle poussa un cri déchirant et suraigu quand elle sentit les mains humides et poisseuses de ces immondes êtres se refermer sur ses tibias. A la seconde près, ses parents sortirent en courant, accompagnés de l'homme qu'elle avait aperçu, agenouillé dans l'église, quelques instants plus tôt. Ramus resta sur le parvis, à implorer les dieux, les mains levées vers le ciel. Tout se passa très vite. Trois zéas se précipitèrent vers sa mère, et la pauvre dame fut transpercée d'un glaive d'argent, le sang pourpre coulant le long de ses lèvres. Elle adressa un dernier regard humide à sa fille avant de s'écrouler dans une flaque rouge de sang. Son père, grâce à sa dague et motivé par sa fureur, réussit à neutraliser rapidement quatre des monstres. Il en trancha deux par un magnifique coup latéral, coupa la tête d'un troisième d'un revers inattendu et planta sa dague dans le torse d'un dernier zéa qui essayait de se protéger en se penchant vers l'arrière, le bras au dessus de la tête. Malheureusement, ce dernier démon réussit à lui enfoncer son cimeterre dans la hanche. Avec un hurlement de douleur mêlé à une gerbe de sang, l'homme arracha le cimeterre court de son côté et mesura la situation: trois zéas lui faisaient face et un de ces derniers s'approchait en courant, le glaive levé. Il était essoufflé mais se rua vers celui-ci, son flanc blessé le faisant souffrir atrocement quand tout à coup un sifflement argenté en provenance d'un buisson déchira l'air avant de lui transpercer le torse. Il tomba en arrière, s'étala violemment sur le sol, mort, sous les yeux de sa fille.
Au moment où ils allaient emporter Uracile, pour demander une rançon comme à leur habitude, l'homme qui était, quelques minutes plus tôt dans une profonde prière, sortit une longue épée de son dos et pourfendit trois zéas d'un seul geste. Uracile se libéra, et, motivée par la fureur, improvisa un sortilège de carbonisation. La petite magicienne ne réussit pas très bien, mais un monstre fut tout de même blessé: la peau noire de son visage lui tombait comme l'écorce d'un vieil arbre, il criait, les mains plaquées contre la face. Le guerrier le tua sans cérémonie, sa lame tranchant facilement le corps du zéa sur toute sa longueur. Tout en esquivant une gerbe de flèches tirées simultanément par le zéa embusqué, d'un geste d'une dextérité inimitable, il lança un couteau en direction de l'archer qui le reçut dans le front. Il ne restait plus qu'un monstre à neutraliser. Le second sortilège d'Uracile partit dans une direction étonnante et eut pour intérêt de distraire l'hybride. Le sauveur d'Uracile profita de cette occasion pour lui planter son épée dans le dos.
Vérifiant que toute menace était éloignée, il s'avança vers la jeune sorcière qui se permit enfin de s'évanouir, à côté de ses parents massacrés, sous le regard horrifié de Ramus.

Lorsqu'elle se réveilla, elle se trouvait dans un lit, à l'intérieur d'une hutte modeste et chaleureuse.
Elle identifia le grand guerrier qui lui faisait face comme son hôte et son sauveur. Il s'avança vers elle et lui dit doucement :
_"Bonjour petite. Je m'appelle Zlept. Tu n'as rien à craindre de moi. Donne-moi simplement ton nom."
Uracile, revenant doucement à elle, se rendait compte des derniers événements, du massacre de ses parents. Elle étouffa un cri en repensant au visage de sa mère se faisant tuer et à son père s'écroulant sur le sol, tout cela était donc réel...elle était bien loin du rêve fleuri d'une enfant de six ans qui l'avait bercé jusqu'à cette chaumière et duquel elle venait de sortir.
_"Uracile...dit-elle à voix basse, Monsieur, c'est vous qui..., avança timidement la fillette. Il l'interrompit:
_Tu as failli être victime d'un des nombreux rapts zéa. Tu as été sauvée, mais à quel prix... tes parents se sont sacrifiés pour te sauver la vie."
Devant le regard triste de la jolie orpheline, il lui laissa le temps d'assimiler la nouvelle. Et ajouta, d'un ton calme et rassurant :
_" Tu dois certainement me connaître. Je ne suis pas seulement guerrier, je suis aussi l'antiquaire de Set Ihsin. Je m'occupe de tous les artefacts qu'ont trouvés les chasseurs ou les enfants durant leurs voyages. Mais ce n'est pas ce qui compte. Désormais, et j'en ai fait la requête auprès de ton dernier parent vivant, ton oncle Ramus, je serais ton tuteur...je m'occuperai de toi. Es-tu d'accord?
Uracile, par respect envers son sauveur, et incapable de prononcer un mot depuis que la désillusion était tombée, hocha la tête. Ses parents étaient morts. Rien ne pourrait le changer.
_Très bien. Tu me parleras de toi plus tard. Je vais te laisser mais ne t'inquiète pas, je serai dans la pièce juste à côté. Repose-toi, surtout..."

Uracile se sentait faible. Tant de souvenirs la submergeaient, tout à coup. Toute son enfance. Elle repensait au passé. Des images lui apparurent, tous les bons moments avec ses parents : des regards, des câlins, des paroles insignifiantes à l'époque mais tellement importantes maintenant... . Ses yeux se mouillèrent. Mais ce n'était pas la même Uracile qui pleurait. Cette Uracile avait au moins une vingtaine d'années.
Ses cheveux étaient toujours noués en natte mais ils descendaient désormais jusqu'à la moitié de son dos. Ses grands yeux verts brillaient de la même façon que ses boucles d'oreille en goutte qui envoyaient des reflets lumineux sur son cou. Elle portait une longue robe verte de magicienne avec une ouverture sur l'avant, reliée par une lanière de cuir marron. Derrière cette robe, on apercevait une chemise blanche immaculée et un pantalon bleu nuit.
Elle chassa ces souvenirs de sa tête. Maintenant, elle avait grandi. Zlept était resté son tuteur, et depuis sa majorité, son confident. Ils vivaient toujours dans la même hutte. Uracile manipulait la magie avec plus de précision et d'efficacité que jamais, et Zlept n'avait pas perdu sa force malgré son âge avancé.
Il sortit de la seconde pièce, et s'avança vers elle:
_"Ca ne va pas, 'Cile?" demanda-t-il en s'essuyant les mains et le visage à l'aide d'un torchon usé. Visiblement, il venait de couper du bois, il avait encore le souffle haletant.
_Si. Je repense au jour ou mes parents...ce même jour où tu m'as sauvée, dit-elle en lui tendant une serviette propre.
_Ce n'était rien. Je n'ai fait que mon devoir. Merci, dit-il en attrapant la serviette. Son visage s'illumina. Allez...chasse ces idées de ton esprit. Ca te dirait d'aller au marché annuel des artefacts? Accompagne-moi, je dois y revendre ceux que j'ai en réserve. Elle lui adressa un sourire approbateur.
_Prépare tes affaires...nous en avons pour une semaine de marche."
Après avoir préparé ses bagages, Uracile se leva et sortit de la hutte sur les pas de Zlept, la tête remplie de tristes souvenirs, de ce jour qui marqua la fin de son enfance.

[Tous les commentaires sont les bienvenus, afin de permettre une constante amélioration du quotidien de notre pauvre Uracile]

0. Une histoire si dure à raconter...

Bonjour à tous...
Aurais-je le courage, une fois de plus, de m'aventurer sur cette terre hostile? De nombreuses fois, les voix des habitants de Vantyrla ont résonées dans ma tête. Ils m'apellaient au secour.
Mais aurais-je la force de continuer à vous raconter leur histoire? Tout est si clair dans ma tête. Je connais chaque forêt, chaque plaine, chaque montagne, chaque marécage de Vantyrla. Je pourrais traverser ses cités les yeux fermés, reconnaître toutes ses créatures. Mais il est si difficile de vous conter le tragique destin qui attend ce fragile monde.
Maintes fois, j'ai essayé. Après une longue absence, je revenais, et je vous racontai un passage supplémentaire. Un chapitre de plus, si l'on peut dire.
Et cette fois ci sera-t-elle différente? Aurais-je la force de vous conter jusqu'à la fin l'histoire de Zlept, d'Uracile, de Koma, de Mogth... Je ne sais pas. Tant de morts, tant de souffrances. Tant de faux-semblants. C'est trop difficile.
Mais je dois vous raconter. Vous avez le droit de savoir.
Alors entrez et découvrez un peu plus de leur histoire...