dimanche 1 février 2009

4. La quête de l'Amulette

Zlept se réveilla très tôt, et monta sur le pont de l'Aigle des mers alors que le soleil daignait à peine se lever. A en juger par le calme qui régnait sur le bateau, personne n'avait encore du se lever; sans doute se reposaient-ils encore à cause du tumulte de la veille. Le silence de l'aube n'était troublé que par le grincement de la cale, le cri des mouettes et le roulement des vagues. Zlept, les cheveux en bataille à cause des embruns et du vent glacial, déambula sur le bateau, pour se réveiller. Peu à peu, d'ailleurs, les marins commencaient à s'éveiller, et à reprendre leurs activités habituelles. Lorsque tout le monde fut réveillé, à l'exception d'Uracile que Zlept voulait laisser dormir encore un peu, le soleil était déjà levé. Il resta sur le pont pendant deux bonnes heures, cherchant à réparer les dégats de la veille. Une fois cela fini, il vit alors que le bateau avait accosté, et s'empressa de réveiller Uracile. Le plus tôt ils partiraient, plus ils auraient de chances de vendre des artefacts au marché. Il régla les marins, les remercia, puis les deux compagnons descendirent du bateau. Uracile semblait avoir du mal à se réhabituer à la stabilité du sol, d'autant plus qu'elle était encore à moitié endormie. Déjà, les commerçants relevaient les écriteaux de bois indiquant leurs produits à vendre, et le tarif. Uracile acheta deux pommes, pour une pièce de bronze pièce, en traitant de "voleur" le marchand, et en donna une à son tuteur. En savourant leur pomme, tous deux continuèrent leur marche, vers le centre de la cité. Uracile semblait avoir plus ou moins oublié l'incident de la veille, car elle paraissait détendue.
Lorsqu'ils arrivèrent sur la Grand place, après être passé dans de nombreuses ruelles tortueuses, de nombreux marchands étaient déjà installés. Les étals pavaient la place sur presque toute sa surface, et exhibaient des marchandises provenant de tout l'Archipel de Vantyrla. Les commercants criaient plus fort les uns que les autres, essayant de vendre leurs légumes, leurs armes, leurs livres anciens ou leurs potions. Beaucoup n'avaient que des babioles sans grande valeur, mais Zlept s'arrêta devant plusieurs stands. Il acheta une longue dague effilée à un jeune marchand d'armes, une fiole à une vieille apothicaire dont l'haleine puait l'alcool, et une sorte de sphère argentée à un autre marchand venu de Givrecroc. Uracile lui demanda:
_" Qu'as tu acheté? Des objets magiques?"
_ " Et bien... la dague n'a rien de spécial, hormis qu'elle fut forgée par un grand forgeron répondant au nom de Stuud. C'est celui là même qui a forgé toutes mes précédentes dagues, et comme j'en ai cassé une récemment, je reconstitue mes stocks. Il est très réputé, et ses armes sont très tranchantes et très fiables. La roche argentée, je ne sais plus trop ce que c'est... Je me rappelle de l'avoir vue dans un livre sur les artefacts majeurs. Cela doit valoir une fortune, mais si seulement je me rappelais de son nom et de ses propriétés..."
_"Et tu achètes quelque chose sans même savoir ce que c'est?"
_"Je regarderai dans mes livres, une fois rentré à Set Ihsin._" De toute façon, vu le prix dérisoire auquel te l'a vendu le marchand, ce rocher doit porter malheur... Je vais faire un tour des antiquaires pour connaître le nom de la pierre pendant que tu essayes de vendre quelque chose, si tu veux, je n'ai rien d'autre à faire. Et la fiole, que contient-elle?"
_"Un antipoison universel. Une potion de panacée. Mais je l'ai surtout achetée car j'adore son petit goût sucré, dit-il sur un ton amusé." Uracile ne parvint pas à savoir si il se moquait d'elle, ou si c'était la vérité.
Uracile quitta Zlept, qui finissait de déballer ses articles, et elle entreprit, la sphère en main, de chercher quelqu'un capable de l'identifier.
Elle vit de nombreux artefacts en se promenant parmi les allées plus ou moins aménagées : sur un immense étal d'un marchand de Wozid, une statue d'ébène, représentant un diable marin cornu, avec un trident effilé, semblait menacer les passants. Uracile aurait mis sa main à couper qu'il avait subi un sortilège d'animation. Elle admira aussi un bouclier verdâtre en airain, légèrement usé mais incrusté d'émeraudes, sans aucun intérêt si ce n'est esthétique.
Les bibelots qu'elle voyait étaient de plus en plus magnifiques : ici, une bouteille semblait contenir un village miniature entier et animé, comme si on avait miniaturisé Plaisir. Là, une pièce d'échiquier en ivoire représentait un ondin rachitique donnant des conseils sur la partie. Sur un autre stand, un diadème ouvragé en bronze et or, était dit comme celui de la reine des géants ("Si seulement ils avaient déjà eu une reine...'', pensa Uracile.). Et enfin elle vit un bâton de combat dégageant une fumée douceâtre, ce dont elle ne compris pas trop l'utilité. Mais aucun de ces marchands ne connaissaient la pierre. Elle continua alors à déambuler parmi les stands. Elle s'écarta un peu du centre bruyant du marché. Elle entra ensuite sous une yourte en jute. L'odeur qui y régnait était suffocante, comme si on avait incendié une forêt de chênes. Le shaman qui y vivait était plongé dans le déchiffrage d'une stèle ornée de runes. Sans trop y croire, la jeune magicienne lui présenta l'objet. Au contraire des autres commerçants, il parut extrêmement intéressé.
_"Hum... Cela me rappelle beaucoup de vieilles légendes. A en croire ces fables... "
L'homme nébuleux pris doucement la roche, la secoua doucement, puis mima de la laisser tomber sur le sol. Au moment où Uracile allait le stopper, elle sentit que la pierre ne livrerait son secret que si elle était brisée. Elle le laissa faire. Ne voyant pas de geste de répression de la part de la jeune fille, il la lâcha. La sphère heurta le sol dans un bruit mat, et se cassa net. Le sorcier dégagea les débris, et, à la stupeur d'Uracile, en extirpa une amulette. Le visage de l'antiquaire se figea alors. Son expression énigmatique devint un rictus déformé par l'horreur.
"_Sort de chez moi, disciple des Ténèbres!, cria-t-il."
Uracile sentit son corps se soulever, et un puissant enchantement la chassa violemment de la hutte, sans qu'elle n’ait pu le contrer. La magicienne tomba violemment sur la place du marché, manquant au passage de renverser un stant. Sans tenir compte des regards des passants, elle ramassa l'amulette et se rua au stand de Zlept. Cet étrange pendentif avait une forme circulaire, surmonté de deux cornes et possédant deux lignes orientées vers le bas. Un cercle concentrique doré ornait l’ouvrage. Celui ci lui dit :
"_Ah, 'Cile! J'ai réussi à récolter soixante-dix pièces d'argent en vendant l'ép...
Elle l'arrêta net, lui fourrant l'Amulette sur le nez et lui disant d'un ton théâtral :
"_ Dis moi ce que c'est que ça. Un objet maléfique?"
Zlept pris avec précaution l'amulette, sans paraître choqué de l'excès de zèle d'Uracile. Sans prendre la peine de l'analyser, il déclara :
" L'Amulette du Bourbier. L'artefact de Koma. Le cœur de Mogth. Cela signifie que les ténèbres prennent le pas sur la lumière."Sans en dire plus, ni rien expliquer à Uracile, Zlept ramassa tous ses objets précipitamment, les fourrant dans son sac, et en cinq minutes ils furent prêts à partir. Uracile, horrifiée par le comportement de son tuteur, lui demanda :
"_Zlept, qu'est ce que c'est que cette Amulette du Bourbier?"
"_Je te le dirais dès que j'aurai vérifié quelque chose. Je ne voudrais pas avancer des suppositions d'apocalypse sans les avoir vérifiées."
N'en attendant pas plus, après avoir eu une idée de la gravité de la situation par le simple mot d'"apocalypse", Uracile emboîta le pas du maître d'armes et tous deux rentrèrent dans une taverne nommée Au pourfendeur de dragons. Zlept rentra sans cérémonie. La taverne était dans un état déplorable. Le toit de chaume pendait lamentablement, les murs étaient tachés, les tapisseries usées. Les personnes attablées semblaient avoir des penchants pour la drogue à voir leurs visages crispés et à sentir l'odeur atroce qui régnait dans ce lieu. L'antiquaire se précipita vers le tavernier.
"_Thera, je suis ici pour une très lourde tâche. Excuse-moi pour ma brutalité, mais je désirerais connaître les dernières... rumeurs.
"_Oh, mais c'est Zlept...! Tu prendras bien un verre? Tu resteras bien une nuit? Tu fum... (Il regarda Uracile, et se rattrapa en disant) ne vends pas au marché...?
"_Les nouvelles, c'est tout, dit Zlept avec un air gêné en regardant Uracile en train de rire.
"_Bien. Je satisfais ton empressement, sans en être satisfait! J'ai trois rumeurs croustillantes. La première concerne les ruines de Crystagemme, tu sais, celles qui sont à l'est de l'île. On raconte que des puissants sorciers, à la peau dorée, au front triangulaire et cornu surmonté d'une pierre précieuse, seraient apparus. D'après des témoignages, ils s'agiraient des créatures légendaires nommées Chromefronts. Mais ce n'est qu'une rumeur, pas de quoi fouetter un zéa! Enfin nous avons perdu le contact avec les moines exilés dans la région, et cela me fait quand même assez peur. La seconde est plus grave et elle est, quant à elle, belle est bien confirmée. Des grands guerriers, les Sobrelances, ceux qui sont selon la légende les " partisans du Dragon", ont annexé de nombreux villages, notamment Antiphia, le célèbre port marchand. Leurs attaques sont éparses, et leurs raids ne laissent aucun survivant. Mais ils ne s'attaquent qu'aux villes côtières... pour l'instant. Wozid va réunir son conseil et ils vont juger de la situation. Pauvre Antiphia. Antiphia, cité portuaire, pour qui mon cœur se penche, la nuit au crépuscule. Antiphia, où ont vécus les ... (Voyant que Zlept et Uracile n'appréciaient pas la poésie gobeline, il poursuivit) Bon. C'est malheureux. Enfin, la troisième rumeur : A ce qu'il parait, le volcan Rhûn Khali serait entré en éruption. Cela faisait longtemps qu’une éruption n’avait pas été signalée... depuis les temps maudits. Mais bon. Au fait Zlept, pourquoi voulait tu savoir tout ça??"
Zlept était à présent blême (aussi pâle que le visage éthéré de l'homme qui venait de s'écrouler au comptoir en disant « Ooouuune Bhiiërr.... », et qui tenait dans sa main un paquet de cigares vide, c'est pour dire) et ses yeux étaient rivés sur l'aubergiste. Uracile ne put réprimer un cri, qui brisa le silence, car Zlept lui serrait tellement fort la main qu'il lui broyait les os. Comme sorti d'un rêve, Zlept se contenta de dire:
"_Merci, Thera. Uracile, nous partons pour Crystagemme. Ne me pose pas de questions. Je te dirai tout sur le bateau. Il nous faut aller à Soultrap, puis marcher dans les terres vers les ruines."
Ensemble, ils sortirent précipitamment de l'auberge, marchèrent un long moment parmi le dédale des ruelles de Central, puis arrivèrent au port sans avoir prononcé un mot, et attendirent la liaison maritime.Uracile n'osait pas prononcer un mot, tant Zlept avait l'air perdu dans de sombres pensées. Son visage laissait transparaître une profonde colère. Et de la peine, aussi. Beaucoup de peine.
Pendant les heures qui suivirent, Uracile se tint coi. Ils attendirent sur le port des heures durant, le regard dans le vague, vers l'horizon. Lorsqu'ils montèrent enfin sur un bateau, totalement différent de l'Aigle des mers, car beaucoup plus somptueux, il se décida enfin à parler, à lui révéler la vérité.
" Très bien 'Cile. Je vais tout te dire, mais ne m'interromps pas. Tu comprendras au fur et à mesure. Et je ne répèterais rien. C'est très difficile pour moi.
Bon... Lorsque tu m'as rapporté l'Amulette du Bourbier, j'avais peur. En effet, il y a une cinquantaine d’années, comme tu dois le savoir, un terrible dragon nommé Mogth tyrannisait tout Vantyrla. Beaucoup plus puissants que ses congénères, beaucoup plus grand, plus fort, plus agile et surtout plus intelligent, il tua des milliers de personnes dans tout l'Archipel. Son souffle réduisait les cités en cendres, brûlait des centaines de personnes, et ses griffes détruisaient les palais, les beffrois. Chaque fois qu'il tuait un humain, celui-ci se métamorphosait rapidement, et il devenait soit un de ses sorciers, soit un guerrier qui le servait au front. Personne ne sait comment il avait appris un sortilège aussi puissant, car bien que les dragons maîtrisent la magie mieux que les humains, jamais un tel sort n'avait été mentionné dans toute l'histoire. Heureusement, un sorcier nommé Koma réussit à le neutraliser au prix de sa vie. Grâce à une épée sertie d’une amulette magique. En échange de la mort du Dragon, l'âme du jeune sorcier resta, et demeure encore, enfermée dans l'Amulette du Bourbier, que tu as entre les mains. Personne ne sait pourquoi. Elle demeura cachée on ne sait où pendant des années, et personne ne se préoccuppa de la retrouver. Mais le retour de l'Amulette ne peut annoncer que mort et désolation. L'aura magique de cet artefact était immense, je voulais m'assurer qu'aucun phénomène étrange ne soit apparu, car il était fort probable que cette amulette soit fausse. Mais le retour d'anciennes créatures confirme le fait que l'objet que tu as entre les mains est bien la vraie Amulette du Bourbier. Les rumeurs de l'auberiste ne sont guères encourageantes : les sobrelances sont les guerriers de Mogth, et les chromefronts ses magiciens, et apparemment, ils sont réapparus ces derniers jours. Ils sont revenus du royaume des Bannis. De plus, le réveil du volcan où vivait Mogth ne laisse aucun doute : le mal reprend des forces, et ces trois faits sont des signes avants-coureurs de la renaissance du Dragon. Etant en possession de l'Amulette, nous nous devons de libérer l'esprit de Koma pour qu'il nous aide à détruire le Dragon, au cas où il revienne."
Zlept se tut. Aucun bruit ne vint troubler le silence, Uracile essayant d'emmagasiner les informations. Jusqu'à ce qu'une voix se fasse entendre :
"_Hum, hum, aurait on besoin de moi?"

Zlept fut ébahi lorsque Koma parla. Uracile sortit l'Amulette sans savoir pourquoi l'objet se mettait à parler. Elle n'avait pas pris Zlept au sérieux quand il disait que l'âme du sorcier avait été enfermée, mais là! Elle devait admettre que c'était bel et bien le cas! Bref, lorsque l'Amulette du Bourbier parla à nouveau, ils furent stupéfaits.
"_Apparemment, Mogth serait revenu, alors? Je me dois de vaincre le puissant dragon, et ce par tout les temps! J'ai cru comprendre que vous vouliez me réveiller, non?"
Zlept résuma alors la situation à Koma pendant que le bateau fendait les flots, voguant au soleil couchant, vers l'Est lointain, vers Soultrap, vers l'inconnu.

[Tous les commentaires sont les bienvenus, afin de permettre une constante amélioration du quotidien de notre pauvre Uracile]

1 commentaire:

  1. Voilà un nouveau chapitre et le commentaire qui va avec !

    Je commencerai par dire que j'ai bien mieux apprécié celui-ci que le précédent. A part le début du chapitre qui est encore très rapide, le reste est plus posé et les diverses descriptions du marché y sont pour quelque chose. J'ai beaucoup aimé quand tu faisais appel à notre odorat (la forêt de chênes incendiées par exemple, même si je ne sais pas exactement quelle odeur ça a ^^).

    La véritable intrigue pointe le bout de son nez et on se demande bien ce qu'ils vont pouvoir faire contre le reveil de Mogth. Heureusement, un nouvel allié débarque, Koma !

    Reste toujours des fautes à corriger, mais la richesse du vocabulaire rattrape ces maladresses.

    Le sentiment de "tout se passe très vite" persiste toujours, mais est atténué dans ce chapitre. Peut-être attendais-tu que la véritable quête commence !

    Je ne vais pas faire plus long aujourd'hui puisque je n'ai pas beaucoup de remarques à faire. Continue comme ça en tout cas !

    A la prochaine !

    RépondreSupprimer